Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Dominique Broucquart, ma mère voulait que je sois professeur de mathématiques, elle m’a emmenée voir un conseiller d’orientation, à la fin de cet entretien je suis ressortie avec trois métiers : psychomotricienne, orthophoniste et ergothérapeute.
Suite à ça, je suis allée rencontrer une orthophoniste et j’ai su que c’était ça, ma passion. J’ai fait 3 ans d’études en orthophonie et 2 ans de psychologie avec 1 an en commun.
Tout au long de mon parcours professionnel, j’ai eu des formations sur le bégaiement, la voix, la dyslexie, les troubles cognitifs, l’autisme, la surdité et d’autres sujets pour enrichir mes compétences et mieux prendre en charge mes patients.
Quelle définition donnez-vous de la profession d’orthophoniste ?
Je dirais que sa mission première est de donner les moyens aux personnes en difficulté de pouvoir mieux s’intégrer dans la vie scolaire, professionnelle ou quotidienne, il les aide à avoir la même vie que tout le monde. Il est à l’écoute et il rassure ses patients.
Un orthophoniste se doit aussi de travailler avec l’entourage du patient, parfois même en recadrant les proches qui ne sont pas suffisamment en phase avec le patient.
Il peut également sensibiliser aux problématiques rencontrées en réalisant des interventions dans les écoles.

Au fil des années, est-ce que votre métier a évolué dans vos pratiques, les supports avec lesquels vous travaillez ? Avez-vous observé des changements chez le public que vous côtoyez ?
J’ai commencé ma vie active dans un CMPP (Centre Médico Psychologique Pédagogique), je travaillais avec des enfants uniquement. Ensuite, j’ai voulu travailler également avec des adultes et je me suis donc lancée dans le libéral. Effectivement, les pratiques évoluent, les progrès de la médecine se sont répercutés dans notre métier.
La pratique avec les enfants autistes ou ayant des troubles DYS, a également changé, car ils sont de plus en plus acceptés dans la vie scolaire et quotidienne. Ceci a facilité certains aspects de notre travail.
Pour la rééducation de la langue, aujourd’hui on greffe des larynx alors qu’avant il fallait apprendre à parler en éructation, il faut donc changer notre façon de travailler et nous adapter.

Par ailleurs, Galinard et Barrett ont mis en place des protocoles qui ont changé nos habitudes. Avant, on coupait la langue aux personnes qui zozotaient, alors qu’aujourd’hui on sait que finalement il faut la muscler plus qu’autre chose.
En ce qui concerne les supports avec lesquels je travaille, bien sûr j’ai assisté à une évolution, j’ai commencé à utiliser un ordinateur à 50 ans… Au départ, il y avait beaucoup de logiciels avec des CD-Rom, puis grâce à Internet tout est ligne.
C’est bien pratique surtout lorsque l’on travaille avec une personne qui vit à l’étranger, pour la formation et depuis la crise sanitaire du COVID 19 pour maintenir ses consultations à distance. Les visio-conférences aident beaucoup dans ces cas-là !
Je trouve que c’est une évolution positive.
Racontez-nous vos premiers pas avec l’ordinateur en orthophonie
Je me suis battue avec mon premier logiciel professionnel. J’ai commencé avec un ordinateur portable, il a fallu que je l’installe pour un enfant de 3 ans et j’ai mis trois jours à pouvoir m’en servir (rire). Ce fut très laborieux.

Que pensez-vous des applications ludiques dans le but d’évaluer de jeunes patients (type serious game) ?
J’ai une centaine de logiciels avec des jeux, je les trouve bien ciblés. Le seul point négatif, le prix trop élevé (à l’époque certains jeux étaient au prix de 1500 euros).
C’est vraiment très bien pour les enfants, l’ordinateur a plus de patience que l’être humain, mais il faut constamment une personne présente avec l’enfant, pour poser des questions, donner le rythme du jeu…
L’ordinateur dit seulement vrai ou faux alors que l’humain va chercher plus loin et donne les raisonnements adéquats.
Connaissez-vous Neuroclic et/ ou Gerip santé ?
Oui, je l’ai utilisé lorsque j’exerçais encore et j’en garde un bon souvenir. Gerip Santé a été très à l’écoute des retours que l’on peut faire. J’ai également fait des formations avec Gerip Santé et mes petits enfants utilisent encore certains des jeux.

Etiez-vous équipée d’outils digitaux, si oui lesquels?
Oui notamment iGerip, mais à l’époque les outils pour travailler l’attention n’étaient pas assez diversifiés… Ainsi que le logiciel Write to speech, c’est une ardoise sur laquelle on pouvait étudier la pression du crayon. J’ai aussi utilisé Crea langage.
Avec le développement du numérique, il devient possible de prescrire des exercices à distance à ses patients, pensez-vous que cela puisse leur être bénéfique ?
Oui, c’est même tout à fait indispensable, car il faut travailler tous les jours pour évoluer positivement ! Sinon les grosses pathologies peuvent durer très longtemps.
Au cours de votre carrière, quelles sont les innovations qui ont changé votre façon de travailler ?
À 50 ans, j’ai dû revoir ma façon de travailler en apprenant à utiliser un ordinateur. Les formations ont aussi changé ainsi que les prescriptions !
Au cours de votre carrière avez-vous vu une évolution sur le type de pathologies à prendre en charge ? (par exemple plus de troubles de l’attention que de langage) ?
Aujourd’hui il y a plus de psychomotriciens et psychologues pour travailler l’attention, donc moins de prise en charge pour nous. A l’inverse, il y a plus de pathologies neurologiques, nous accompagnons donc plus de patients qui en sont atteints.
Pensez-vous qu’un orthophoniste avait un meilleur pouvoir d’achat il y a 40 ans que maintenant ?
Très difficile de répondre, ça dépend du type d’établissement dans lequel on travaille. Si l’on travaille en libéral le pouvoir d’achat est meilleur alors qu’à l’hôpital et en vacation ce sont des salaires de misère et c’est un scandale.

Si l’un de vos enfants veut devenir orthophoniste, l’encourageriez-vous ?
Oui bien-sûr, je les encourage toujours ! D’ailleurs, j’encourage aussi toutes les personnes qui veulent devenir orthophoniste.